BETH HART: Front & Center Live From New-York (2018)
Treize ans que la dame n’avait pas sorti d’album en public. De quoi mesurer l’évolution de sa carrière. Le live au Paradiso était un brûlot intense, sauvage, d’une sensualité animale, celui de 2018 enregistré dans le célèbre Iridium jazz club à New York, est plus consensuel, grand public.
C’est vrai que l’on raconte que Beth est un peu bi-polaire, qu’elle part en sucette très vite, bref qu’il faut la « surveiller ». C’est le job à plein temps de Scott Guetzkow, son mari, road-manager, garde du corps, conseiller…et de David Wolff son manager historique. Il semble que ces deux gars ont pris en main, non seulement la santé physique et mentale de Beth, mais aussi sa carrière musicale en canalisant son énergie, pour en faire un produit grand public, présentable. On mesure le résultat en se souvenant de son passage au New Morning en 2012 où avec un jeune guitariste excellent (Josh Gooch), elle avait scotché le public. Maintenant elle se produit au Palais des Congrès et je suis quasiment certain que le public en sortira ravi. Je ne veux pas faire l’ancien combattant, le grincheux, le c’était mieux avant, d’autant que la sanction du public lui est favorable, mais l’écoute de ce live me conforte dans mon choix de ne pas aller la voir au Palais des Congrès. La voix est toujours superbe, on évoque souvent Janis Joplin ou Etta James, peu importe, c’est incontestablement une grande interprète. Sauf que la machine tourne bien mais aussi quasiment à vide. Elle est toujours émouvante dans les morceaux dépouillés comme « Baddest Blues », ou « St. Teresa » mais l’accompagnement du groupe dans les morceaux full band est devenu lourdingue, sans finesse, comme je le disais on passe quasiment d’Etta James à Adele. Dommage, l’endroit, ce club magnifique qui contient deux cents spectateurs était l’endroit idéal pour proposer autre chose, des versions plus intimistes, que la reproduction du show habituel proposé dans les grandes salles même si les chansons avec un accompagnement à minima sont plus nombreuses. A noter que le groupe s’est séparé du second guitariste qui était particulièrement pénible et que Sonny Landreth est invité sur la reprise de Lucinda Williams « Can’t Let Go » Certes on est content du succès de la dame, elle pourra agrandir sa maison à Los Angeles, toutefois on peut aussi considérer que son immense talent, ses immenses possibilités sont en train d’être gâchées, sacrifiées sur le grand hôtel du show-biz avec des billets verts qui tombent partout. Je suis certain, il suffit de lire les premières critiques sur les sites US, que cet album sera encensé, rencontrera son public, qui sera heureux de se ruer dessus à la sortie des concerts.
Ceux qui ont vu Beth Hart dans les années 2012/2013 seront certainement plus circonspects.
Michel Bertelle